La remise de l’acte de propriété de la Nouvelle-Calédonie par Macron, tout un symbole
En mai 2018, Emmanuel Macron s’est rendu en visite officielle en Nouvelle-Calédonie pour la première fois depuis son élection. Une visite hautement symbolique à quelques mois du référendum pour l’indépendance de l’île. Macron a poussé le symbole jusqu’à rendre aux habitants de l’île l’acte officiel de son annexion à la France en 1853.
Un référendum attendu sans surprise
La visite d’Emmanuel Macron n’a pas été décidée au hasard. Effectivement, elle intervient seulement 6 mois avant le référendum organisé pour permettre aux calédoniens de choisir si, oui ou non, ils souhaitent obtenir leur indépendance. Le référendum est prévu pour le dimanche 4 novembre 2018 et tous les sondages annoncent le « non » gagnant très largement.
Ce référendum de l’accession de ce territoire d’outre-mer à la pleine souveraineté a été prévu par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. Cet accord prévoyait le transfert de certaines compétences de la métropole à l’île dans de nombreux domaines. Il prévoyait également un référendum d’autodétermination avant la fin de l’année 2018.
Ce référendum est un cas unique dans les rapports qu’entretient la France métropolitaine avec les DOM-TOM. Emmanuel Macron a donc voulu profiter du 20e anniversaire de cet accord et des pronostics largement en défaveur de l’indépendance pour rappeler aux calédoniens que, s’ils sont un peuple à part, ils n’en appartiennent pas moins à la République Française. De quoi lancer évidemment, certaines controverses.
Une visite controversée
Outre la simple visite du président, la première depuis son élection, qui soulève naturellement certaines objections, notamment de la part des indépendantistes qui n’apprécient pas de voir leur territoire, leurs besoins et leurs préoccupations si peu considérés le reste du temps, la date et le parcours présidentiel ont également soulevé quelques indignations.
D’un côté, les Républicains calédoniens trouvent tout à fait inopportun de remettre à la Nouvelle-Calédonie l’acte de possession français et qualifient le programme de la visite présidentielle de « déséquilibré, en défaveur de ceux qui souhaitent rester français ». Effectivement, en plus de la remise de l’acte de possession, Emmanuel Macron a décidé d’assister à la cérémonie de commémoration de la mort de 19 indépendantistes dans l’assaut d’une grotte sur l’île d’Ouvéa par l’armée et la gendarmerie.
Les indépendantistes eux, refusent de considérer la venue du président à cette cérémonie comme une marque de respect et ils voient davantage un geste paternaliste marquant l’incapacité du président de la République à prendre une position claire sur des sujets d’importance. Cependant, les deux chefferies Daoumé et Wénéguéi ont officiellement invité la population à accueillir monsieur Macron et à se recueillir avec lui.
Une mémoire douloureuse
Si la visite d’Emmanuel Macron ne pouvait pas satisfaire pleinement les calédoniens, de tous bords confondus, c’est notamment parce que la situation en Nouvelle-Calédonie est particulièrement embrouillée, que le symbolique et le politique sont étroitement entremêlés et que la mémoire calédonienne et kanake est encore douloureuse et meurtrie de nombreuses blessures.
Effectivement, si la volonté indépendantiste est forte en Nouvelle-Calédonie, mais jamais suffisante pour obtenir l’indépendance, c’est parce que l’histoire de la Nouvelle-Calédonie est particulièrement douloureuse, notamment pour la culture et le peuple kanak qui ont difficilement vécu l’annexion française et ont souvent eu de mal à se sentir pleinement rattachés à la métropole.
Pourtant, de nombreux élus locaux et, vraisemblablement, de nombreux habitants de Nouvelle-Calédonie semblent très attachés au statut de territoire d’outre-mer de la Nouvelle-Calédonie. Les sondages donnant le « oui » massivement voté en novembre semblent le confirmer. C’est alors justement cette dichotomie profondément ancrée dans le quotidien des calédoniens qui rend le sujet parfois très sensible.
Un cadeau symbolique
La remise de l’acte de possession de la Nouvelle-Calédonie à l’île par le président français Emmanuel Macron est hautement symbolique et réfléchie. Il permet alors au pouvoir exécutif de contenter un peu tout le monde en adressant un message ambigu.
D’un côté, certains indépendantistes apprécient le geste en le considérant comme une marque de respect à l’égard du caractère unique de leur situation et de leur culture. De même, certains anti-indépendantistes le considèrent comme un acte irréfléchi de dissolution de l’unité de la République qui encouragerait les territoires d’outre-mer à revendiquer leur spécificité sur les autres territoires de la métropole.
D’un autre côté, d’autres indépendantistes voient dans ce geste une sorte de provocation qui s’amuserait à souligner, non seulement l’appartenance de la Nouvelle-Calédonie à la France depuis 165 ans, mais en plus l’inutilité du combat indépendantiste voué à l’échec le 4 novembre prochain, alors même que toutes les chances de réussir lui sont offertes. De même les anti-indépendantistes ont, pour certains, applaudi le geste, qui va dans le sens de l’apaisement et du respect de ce territoire trop souvent oublié.
Un jeu d’équilibriste
Habitué des situations tendues et à risques comme celle-ci, Emmanuel Macron a encore une fois choisi de demeurer dans une sorte d’ambigüité symbolique. Sans doute conscient de ne pas pouvoir satisfaire tout le monde, il a choisi, avec ce cadeau, de déposer un symbole ambigu qui contentera tout aussi efficacement qu’il mécontentera.
En attendant les résultats du référendum du 4 novembre, les débats sont ouverts et, même si la partie semble jouée d’avance, il faudra laisser parler les urnes avant d’être certains de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République Française.
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